Saint-Auban et son usine Pechiney de Luigi Corraro

Saint-Auban et son usine Pechiney de Luigi Corraro

Après plusieurs romans, Luigi Corraro nous propose avec son dernier livre Saint-Auban et son usine Pechiney, de nous plonger dans cent ans d'histoire du patrimoine jarlandin.

Cet ouvrage, de 212 pages, est un recueil documentaire sur la cité ouvrière de Saint-Auban et son emblématique usine Pechiney.

Vous pourrez découvrir l’origine du petit quartier tranquille de Saint-Auban qui se situait à proximité de la gare.

Il existait bien avant la construction de l’usine et va subir un brutal bouleversement de vie et de coutumes en 1915.

Ses hameaux environnants, dont certains était habités dès l’antiquité, avec leurs fermes la plupart complètement disparues aujourd’hui, éveilleront votre envie d’en savoir un peu plus sur ce lieu bien connu aujourd’hui pour son site industriel !

Saint-Auban et son usine Pechiney

Puis arrive la naissance de l’usine avec la 1ère guerre mondiale et son « Gaz Moutarde », sa cité ouvrière dont les 100 ans ont été fêtés en 2016.

C'est la déclaration de guerre mondiale, en 1915, qui sera à l'origine de ce rapide et inattendu chamboulement.

En effet, la construction à la hâte de l'usine chimique, par Alais et Camargue pour fournir du gaz de guerre à l'armée, va non seulement modifier l'environnement de ce lieu, mais entraîner tout un carrefour dans un brutal bouleversement de vie et de coutumes !

De nouveaux logements, pour accueillir le personnel travaillant sur le site industriel, seront nécessaires. C'est ainsi que va naître la cité ouvrière privée de Saint-Auban, sur le plateau de « Courtiou ».

L'auteur aborde aussi avec une certaine passion des sujets intimes de cette cité à caractère Paternalisme/Cléricalisme. La description de l’architecture de certains ouvrages en surprendra probablement plus d’un.

Ce livre Saint-Auban et son Usine Pechiney, sous-titré « Cent ans d’histoire et de vie », vous permettra donc d’avoir un regard global dans le rétroviseur de l’histoire de l’usine qui a fait vivre, durant de nombreuses années, tout un carrefour.

Pour acheter le livre et en savoir plus

Ce livre, paru en juin 2021, est en vente auprès de l'auteur et aux points de ventes suivants :

  • Le Cyclope et la librairie de Fil en Page à Château-Arnoux ;
  • ainsi qu’à l’Intermarché de Peipin.

 

Pour découvrir Château-Arnoux-Saint-Auban.

Saint-Auban et son usine Pechiney de Luigi Corraro

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De Marchi Yvon

il y a 3 ans

Un livre très intéressant sur l'histoire de ce quartier de Chateau Arnoux, devenu une cité ouvrière, avec la construction de l'usine "Pechiney" des faits historiques mais aussi beaucoup d'anecdotes...

carraz

il y a 1 an

Mon grand-père paternel était plombier zingueur et il est venu participer à la construction de l'usine au lieu d'aller au front. Il y a travaillé pendant plusieurs décennies. A force de prises de chlore, il est mort d'un cancer de la gorge l'année de sa retraite . J'aimerais avoir des détails sur l'installation des ouvriers avant que la cité ouvrière ne soit construite, comment vivaient-ils ? Merci

René Galvez

il y a 1 an

Je veux bien essayer de vous renseigner mais il me faut tous les renseignements sur sa famille tous les noms, les prénoms, dates années de naissance etc etc. Bref tout ce dont vous disposez;
m'écrire a rene.galvez[@]orange.fr

carraz

il y a 1 an

mon grand-père paternel Simon Carraz est né en 1890, il est arrivé à Chateau_arnoux en 1915 ou 1916, on lui avait fait choisir entre partir au front ou descendre aider à construire l'usine à Saint Auban, il était plombier zingueur, il est venu avec ma grand-mère qui avait le même âge. Je sais qu'il ont, bien après, habité au chateau de Malijai où je suis née en 1944. Ma grand-mère faisait la cuisine aux administrateurs. Mon père était conducteur de travaux à l'usine, il est né en 1918 à chateau Arnoux. Ma mère était sténodactilo à l'usine.
Mes parents habitaient eux aussi au chatau de Malijai, je pense depuis les années 1924 ou25 ? ce que j'aimerais savoir c'est comment les ouvriers étaient logés avant que la cité ouvrière soit construite ?

galvez rené

il y a 1 an

« Il était une fois … »
Saint Auban est situé dans la commune de Château-Arnoux, au confluent de la Bléone avec la Durance ; au carrefour des routes NICE-GRENOBLE et MARSEILLE-GAP. En 1915, c’est un lieu quasi-désert où la modernité a fait une timide incursion, avec l’arrivée du chemin de fer, à la fin du 19ème siècle. C’est la ligne du P.L.M MARSEILLE-GAP, qui arrivera bientôt à Briançon ; le tronçon GAP-BARCELONNETTE, obtenu par Paul REYNAUD, dans les années 30, ne sera jamais achevé.
La voie SAINT AUBAN-DIGNE est en service ; elle rejoint la ligne du chemin de fer de Provence DIGNE-NICE, tracée sous le second Empire : le fameux « train des pignes », avec sa voie métrique ; tortillard qui visite les vallées sinueuses de la Bléone, des Asses, du Verdon, et du Var, jusqu’au centre de Nice.
Saint Auban, comme l’ensemble des Alpes du Sud, n’a pas de passé industriel. L’agriculture et l’élevage souffrent ; même dans la vallée de la Durance les travaux d’irrigation sont insuffisants et, en 45 ans, de 1866 à 1911, les Basses-Alpes ont perdu 35788 habitants. Les jeunes s’en vont, attirés par les bassins industriels, en pleine expansion, de Marseille, Grenoble, Lyon et même Turin. Pourtant, ce « bled avec ses landes incultes, quelques arbres, des buissons, et des cailloux » ; ces deux plateaux qui dominent la Durance, et qui n’ont pas d’histoire, ont rendez-vous avec l’Histoire.
Depuis août 1914, l’Europe est une fois de plus ravagée par le fracas des armes. Vingt millions d’hommes sont mobilisés ; plus de huit millions vont périr dans cette guerre, qui devait être « la der des der ». Comme prévu, les Allemands ont violé la neutralité de la Belgique et le front s’étire des Vosges à l’ouest de l’Argonne, et vers les Flandres, jusqu’à Ypres.
Cette jolie ville belge, célèbre depuis des siècles—c’est la capitale du drap—va être le théâtre de terribles batailles, du 20 octobre au 15 novembre 1915, les deux armées épuisent troupes et munitions ; mais le verrou occidental de la ligne de front, tient.
Et Saint Auban ? La fureur des combats semble bien loin ; mais une tragédie, une journée d’horreur, va abolir d’un seul coup, les huit cents kilomètres qui séparent les rives de l’Yser des berges de la Durance. Profitant des conditions favorables, le 22 avril 1915, les Allemands lancent la première attaque au gaz de l’Histoire ; 3000 français, en majorité des coloniaux, sont tués en moins d’une heure. Quelques centaines de fantassins britanniques périssent également. Des milliers de « gazés » survivront, mais dans quel état ?.
L’Etat Major du Général JOFFRE connaît ce gaz qui vient d’exterminer sa 1ère ligne : il s’agit d’un composé soufré du chlore, le sulfure de ββ’ Dichloroéthyle —S ( CH2 - CH2 – CL )2. Il fait partie de la panoplie des dérivés du Chlore, dont nos armées, et celles de nos alliés, ont désormais un urgent besoin. Les troupes de Guillaume II ont violé les usages de la guerre en lançant le « gaz moutarde » qu’on nommera désormais l’ypérite. Le Ministre de l’armement va imposer, par un décret d’août 1915, à divers industriels, de produire chacun, 10 tonnes de chlore par jour. Encore un détour historique et les impératifs de la guerre nous conduiront à Saint Auban.

La Compagnie d’ALAIS et de CAMARGUE

En 1855, Henri MERLE avait fondé, près de Salindres, dans le Gard, une société dont l’objet était la production de soude—suivant le procédé LEBLANC. En 1859 il ajoute, avec le concours de SAINTE-CLAIRE-DEVILLE, la première fabrication semi industrielle d’aluminium, en utilisant la méthode de réduction mise au point et améliorée par H.C. OERSTED, F. WOHLER et SAINTE-CLAIRE-DEVILLE. Durant près de 30 ans l’usine des Salindres sera le seul producteur mondial d’aluminium. En 1874, Henri MERLE, s’associe à Alfred RANGOD—dit PECHINEY—qui lui succède, à sa mort, en 1877, à la tête de la Compagnie. En 1896 la société prend le nom de Compagnie de Produits Chimiques d’Alais et de Camargue.
En 1907, Adrien BADIN est nommé directeur de la C.P.C. Alais et Camargue.
Déjà producteur d’aluminium avec ses usines de Savoie, Adrien BADIN envisage de porter la capacité de 3500 à 6200 tonnes par an. L’étude relative à l’installation de cette usine à Saint Auban est terminée en février 1907. Elle complète une demande de concession, datée du 24 novembre 1906 : canal de Peipin à Saint Auban et usine hydroélectrique, près de la Gare, de 4  5000 HP ; coût : 10.000.000 francs.
Le 27 juin 1908, Adrien BADIN s’engage par contrat devant le Ministre de l’Agriculture à assurer l’irrigation des terres voisines du canal et à fournir, à la Compagnie Energie Electrique du Littoral, 500 KW au prix de 9F/KW/mois. Aluminium et Energie ; ces projets vont prendre du retard, et en 1915, la Compagnie, pour satisfaire la demande du Ministère de l’armement, va construire en 300 jours, sur les terrains acquis à Saint Auban, une usine à Chlore. L’Histoire venait de commencer.
La Société Energie du Littoral a disparu depuis longtemps, en 1960, quand E.D.F. inaugurera le barrage de l’Escale, qui alimente, par un canal de 15 kilomètres, les turbines d’Oraison. Tout vient à point à qui sait attendre ; Saint Auban produira tout de même de l’aluminium de 1926 à 1930.
L’Histoire de l’usine de Saint Auban et celle de la cité venait de commencer. Les deux récits qui suivent sont dédiés à toutes les femmes et à tous les hommes qui ont fait naître la vie en ce lieu ; et forgé une identité à ces pionniers qui lui ont donné une âme saint aubannaise.

LA VIE S’ORGANISE

Il faut imaginer le lieu, le contexte et l’époque pour avoir une idée des difficultés que vivent au quotidien les pionniers qui ont bâti et démarré l’activité sur le site. Ecoutons Corinne ESPARIAT, fille et petite fille d’agents de maîtrise du site, qui a consacré aux relations sociales des premières décennies, un mémoire de maîtrise d’Histoire remarquable :
« Des ouvriers aux statuts différents, des conditions de vie, de nourriture et d’hébergement extrêmement précaires, ne nuisent pas à la bonne entente des ouvriers. Les différences d’origine, de culture, de religion n’altèrent pas les relations entre les divers groupes. La peur du Chlore et la modicité des salaires, par rapport à ceux pratiqués dans la région marseillaise, sont les causes essentielles des départs incessants. La Direction freine ces exodes par des augmentations de 0,05 à 0,10F par heure et par l’attribution de primes : vie chère, paniers de nuit, heures supplémentaires, brûlures, usure des vêtements.
Le syndicalisme naissant, en 1918, avec l’adhésion des ouvriers de la Société des Forces Motrices, aux statuts de la C.G.T., ne parvient pas à s’implanter à l’usine. La Direction renvoie systématiquement les ouvriers considérés comme des militants syndicalistes. On trouve le même type de réaction dans l’histoire d’autres usines d’Alais et de Camargue. Cependant, la pénurie de main d’œuvre incite la Direction à faire preuve de compréhension face à l’expression du mécontentement qui reste épisodique et isolé.
Le commissaire spécial, renseigné par « ses agents secrets » établit, par exemple le 12 novembre 1917, un rapport contrasté, sur le fonctionnement et l’ambiance dans l’usine. Il y accuse ouvertement « la Direction, et toute sa suite, de cacher avec un luxe de précautions, la marche des unités et les réparations. » Selon lui « des ouvriers occupent des emplois inférieurs à ceux pour lesquels ils avaient étaient recrutés ; ils sont remplacés par des enfants et des étrangers. » Il rapporte des « plaintes d’ouvriers, relatives au manque de considération des ingénieurs à leur endroit. » Il conclut, avec une certaine férocité que, « si aucun accident ou attentat n’a encore été commis, ce n’est pas grâce à la Direction ! »

LES PREMIERS LOGEMENTS
Dès 1915 l’usine dut se préoccuper du logement et de l’alimentation de ses ouvriers, mais aussi des militaires de la garde du site et des prisonniers de guerre. Une partie de la subsistance des militaires affectés à la surveillance des coloniaux lui incombe. L’Etat accorde à P.C.A.C. 1,21F par personne et par jour.
Le quartier où l’usine s’implante comprend trois Fermes et la Gare ; au Nord, le hameau du Jas, habité par des familles nombreuses, n’offre aucune possibilité.
Trois solutions vont être mises en œuvre à partir du 30 octobre 1915 pour répondre aux besoins de logements. L’objectif est double : loger le personnel et, en permettant l’installation de familles, fixer une partie de la main d’œuvre.

LE QUARTIER DE SAINT AUBAN
C’est un désert : trois petits mas et trois cabanons. Ces fermettes se nomment Clubière, Fanchironette et le Casse. La première commande est passée en octobre 1915 à la Société des Maisons et Constructions Moulées pour dix maisons de quatre habitations et cinq de six logements ; à 15000F l’unité. Quatre-vingt neuf ouvriers vont travailler jour et nuit à l’édification de ces maisons en « cubes » ; parmi eux beaucoup de prisonniers allemands. Les habitations sont disponibles en avril 1916, le rythme de construction sera soutenu jusqu’en 1931. Les premières rues sont tracées en 1916. Les plus anciens se souviennent des Rues A, B, C et jusqu’à H. Rapidement elles seront rebaptisées aux noms de chimistes célèbres – ou plus souvent du nom de ceux qui firent la renommée de la Compagnie : Jerôme Antoine BALARD, Emile Boyoud, Henri MERLE, Adrien BADIN ; plus tard SAINTE-CLAIRE-DEVILLE, PECHINEY … Le jardin, devant chaque habitation, va constituer pour les familles un précieux appoint de nourriture.
En 1917, apparaissent les premières maisons à balcon. Un hôtel est construit, puis huit maisons de cantonnement et deux bâtiments de vingt-cinq chambres pour célibataires. Un dispensaire tenu par les religieuses de la Sainte Enfance de Digne, avec deux lits pour accueillir les blessés, est construit en 1916.
Le 11 novembre 1918, la population est informée de la fin des hostilités par un message radio d’un bateau en rade de Marseille. Les habitants de la cité rejoignent les ouvriers qui remontent de l’usine, sur le chemin d’accès au site ; tous crient « vive l’Alsace et la Lorraine. » Ce chemin de terre est baptisé depuis ce jour avenue Alsace Lorraine.

LES CANTONNEMENTS… ET LA CANTINE
Construits à la hâte et sans confort, ces baraquements vont héberger des communautés entières. Ils sont éloignés les uns des autres pour que les mœurs et coutumes des différentes ethnies ou religions, ne créent pas de conflits intercommunautaires. Les Kabyles, par exemple, on ne sait pas trop pourquoi, sont éloignés à trois kilomètres du site ! Plus tard ces cantonnements seront installés à l’ouest de l’usine, non loin de la Durance et accueilleront Grecs, Espagnols, Portugais, Italiens, Kabyles, Annamites, Djiboutis et Arabes. Entre temps, en 1917, les « Chinois » avaient été transférés dans l’Ain. Des cantines avaient été installées dans les baraquements mais la Direction les fit fermer et assura, à perte, la restauration du personnel. Deux menus étaient proposés, à 1F 30 et 1F80 ; mais les recruteurs faisaient de telles promesses (notamment à Marseille où ils sévissaient la plupart du temps) que la réalité, en matière de confort et de nourriture, fut source de mécontentement.
Devant la pénurie de monnaie, le Trésorier Payeur Général autorisa le gérant de la cantine à utiliser, pour rendre la monnaie, des rondelles de carton de trois centimètres de diamètre, portant valeur de 0F10. Suite à des plaintes, le Sous Préfet obtint la livraison de 300F en monnaie divisionnaire, et l’usage de cette « monnaie de nécessité » disparut.
L’ACCUEIL DANS LES VILLAGES
C’est Peyruis qui fût d’abord lieu d’hébergement des premiers arrivants à cause de la présence de logements disponibles mais aussi du fait que le projet MEURS acheté par la Compagnie y avait son siège. Cela explique que durant des années le téléphone de l’usine sera le 3 à Peyruis (district de Forcalquier) bien que le site est et sera toujours sur la commune de Château-Arnoux (district de Sisteron). Château-Arnoux offrait peu de possibilités et le personnel s’installa progressivement à Malijai, à Mallemoison, au Chaffaut, à la Brillanne, à Oraison. La Direction obtint du P.L.M. que ses ouvriers logés à l’Escale et dans la vallée de la Bléone, puissent emprunter le pont de chemin de fer sur la Durance, économisant ainsi sept kilomètres par jour. Un usage qui ne s’éteignit que dans les années 80 avec l’interdiction d’utiliser la voie ferrée pourtant désaffectée, mais pour des raisons liées à la sécurité usine – et à une réglementation de plus en plus contraignante !
Dès 1916, la vie s’organise à la cité, la rue Henri MERLE devint une rue commerçante avec boulangerie, boucherie, dépôt de journaux, de lait. Les douches publiques sont construites en 1917, une pharmacie en 1918 ; la coopérative également gérée par la Compagnie est inaugurée en 1918.
LA CHAPELLE
Dès 1916, le chanoine GERMAIN, qui traverse souvent l’usine et la cité naissantes, pour se rendre à Montfort ; persuade le Directeur monsieur DE GASTINES, de construire une chapelle pour « ces brebis sans pasteur ». Un architecte cannois mobilisé à l’usine, établit deux projets, le plus simple est réalisé immédiatement. Les travaux ne sont pas terminés, mais la chapelle provisoire est inaugurée dans la nuit de Noël 1916. Un provisoire qui durera 23 ans.
UNE MOSAÏQUE HUMAINE
Le conflit ne tarde pas en embraser l’Europe ; il est bientôt suivi par des révolutions de tous bords et l’émergence de divers irrédentismes ; cela provoque un afflux continu de main d’œuvre réfugiée. Le phénomène culmine en 1927 et 1928 où le pourcentage de personnel étranger atteint 62,4 et 63,5%. La baisse continue de ce taux est ensuite liée à une politique soutenue de naturalisation ; mais également à des départs d’étrangers, dus aux quatre années de récession consécutives à la crise de 1929, et à la « mécanisation » naissante de la production industrielle.
En 1931 la crise mondiale a stabilisé la main d’œuvre. L’effectif n’est plus que de 749 personnes, 447 français et naturalisés ; 302 étrangers et coloniaux dont : 1 sénégalais, 62 espagnols, 56 portugais, 73 italiens, 6 indochinois, 1 marocain, 22 polonais, 1 bulgare, 52 djiboutiens (des adénois) ; 20 russes, 21 grecs, 18 arméniens, 8 albanais, 4 allemands, 5 tchèques, 13 hongrois, 7 autrichiens et 20 algériens.
PATERNALISME ET CLERICALISME
Comment, à partir de groupes humains aussi divers, créer un ensemble homogène ? Comment fixer durablement à Saint Auban, la main d’œuvre indispensable ? La direction du site va investir des moyens considérables pour tenter ; et nous verrons qu’elle y réussira, à créer des liens forts entre les différentes communautés — et d’autres, tout aussi forts, entre les salariés, leurs familles et l’Usine. L’ensemble des moyens mis en œuvre, l’état d’esprit, une certaine philosophie du management, qu’on retrouve partout au début du 20ème siècle (mines, industries). Un concept a été créé pour définir cette réalité complexe : LE PATERNALISME. Son analyse, ses soubassements idéologiques et spirituels seront évoqués en fin de chapitre ; bornons-nous à constater que cette forme d’exercice de l’autorité patronale constitue une phase de transition entre une fin de 19ème siècle et un début du 20ème siècle, marqués par une répression dure des mouvements ouvriers ; et la période 45/67 plus apaisée avec un progrès social sensible — en attendant 1968, et l’émergence dans l’Entreprise d’une fonction Relations Humaines – et/ou le renforcement continu, des « droits des salariés ».
A Saint Auban comme ailleurs, les premiers directeurs qui se succèdent sont catholiques. Les membres du comité de direction et leurs épouses investissent le champ social et favorisent par tous les moyens les initiatives du clergé (de fortes personnalités à l’exemple des Pères GERMAIN, CORRIOL et PLUME). Du côté du clergé, la volonté de s’impliquer dans la vie et l’éducation des milieux ouvriers, ne repose pas, comme le croient certains, sur une attitude servile vis à vis de cadre de direction qui représenteraient une élite sociale. Elle trouve son inspiration dans la publication de ses théories sociales les plus récentes.
Une connivence Patronat–clergé naît. Etouffe-t-elle une certaine émancipation des femmes et des hommes ? Son poids culturel est-il assez fort pour retarder la naissance du syndicalisme à Saint Auban. La réponse doit être nuancée ; comme sont contrastés, les sentiments et les souvenirs des saint aubannais sur cette période.
L’aspect à la fois le plus visible et le plus positif de cette politique paternaliste est la cité de Saint Auban. En 35 ans, 850 logements avec jardins et 250 chambres de célibataires seront construits. Un hôpital et un service médical en pointe ; salariés du site, femmes et enfants, en bénéficiaient gratuitement. Une école de garçons, et une pour les filles, où étaient dispensées une éducation chrétienne et une instruction dont la qualité était reconnue. De même naissent Colonies de Vacances pour les enfants et « Goutte de Lait » pour les nourrissons. Côté Culture Loisirs, une salle des fêtes, une Salle de Cinéma et de Conférences. Ce sera le « Cinéma Péchiney ; son adresse : le Cours Péchiney, qui prolonge la Place Péchiney ! »
L’église Jésus Ouvrier inaugurée en 1939 deviendra un lieu de concert réputé.
Le secteur sportif sera encouragé après la création d’un complexe : le Stade GRABINSKI, sa piscine (la guerre de 39-45 fit avorter le projet d’une 2ème piscine, couverte celle là), ses courts de tennis, ses aires de jeu, son gymnase. Rapidement les sportifs saint aubannais feront briller leurs couleurs dans toutes les disciplines, et dans toute la Provence. Si la première équipe de football fut celle des prisonniers allemands, l’équipe de Saint Auban naît en 1919.
La Direction construit également des dizaines de locaux commerciaux, regroupés au centre de Saint Auban, sur la place Péchiney. Le commerce y fut florissant durant des décennies, jusqu’à l’apparition des supermarchés.
L’entretien des rues, le ramassage des ordures ménagères et des déchets végétaux, la distribution d’électricité (au prix usine) ou de l’eau (gratuite) — tout incombe à l’usine ; la cité de Saint Auban est un lieu totalement privé. Les habitants vivent — relativement — repliés sur eux mêmes. Tous ces éléments assemblés contribueront à forger, à structurer une identité saint aubannaise.
Cette situation, même atténuée à partir des années 60, durera jusqu’en 1989, date à laquelle 95% des salariés non cadres accepteront l’offre d’acquérir leur logement dans d’excellentes conditions. En même temps, après de grands travaux de mise en conformité des voies et réseaux divers, la Société cèdera l’ensemble de la cité, à la municipalité, pour le franc symbolique. Tous les quartiers, de la Casse à Font-Robert constituent alors une commune unifiée et rebaptisée pour la circonstance CHÂTEAU- ARNOUX— SAINT AUBAN. L’industriel conservera néanmoins un important patrimoine immobilier.

L’EGLISE, L’USINE ET LA CITE
Le rôle de l’église et la connivence entre les prêtres et les Directions successives, de 1916 aux années 1950, ne peuvent être réduits à la personnalité des acteurs de l’époque : les Pères GERMAIN, CORRIOL puis PLUME qui trouvèrent chez tous les patrons successifs, de monsieur DE GATINES à monsieur BARATON en passant par monsieur GRABINSKI, des catholiques fervents, militants jusque dans leur implication massive dans le tissu social éducatif et culturel. Que ce positionnement ait eu une influence sur le statut des divers groupes sociaux, ethniques et religieux, ne fait pas de doutes ; il renforça, sacralisa, de façon rigide les relations hiérarchiques à l’usine et à la cité ; il retarda l’émergence du syndicalisme ; c’est certain.
Les causes de ces comportements sont multiples et sortent du cadre de notre récit. Citons en deux qui éclairent ces convergences :
L’église a fini par prendre la mesure de l’extrême misère des ouvriers au 19ème siècle et, en 1891 pour faire pièce aux courants révolutionnaires naissants, dont la plupart adoptent les thèses marxistes-léninistes - livre sa grande théorie sociale : c’est l’Encyclique RERUM NOVARUM — une pensée affinée 25 ans plus tard avec QUADRAGESIMO ANNO. Jusqu’ici face aux courants de pensée modernes, généreux, qui traversent la masse des catholiques, la hiérarchie de l’église a toujours oscillé entre compréhension et répression. Le « SILLON » de Marc SANGNIER, par exemple, attirait de plus en plus de croyants. Léon XIII disparaît et, en 1910 Pie X décide d’une mise au pas de tout ce qui peut ressembler à un projet de rénovation sociale. Le SILLON, les prêtres ouvriers, rentrent dans le rang. L’église vient, pour la 2ème fois de « perdre la classe ouvrière ; elle ne la retrouvera plus.
Le Patronat craint la contagion d’idées révolutionnaires et même la naissance du syndicalisme. Il sait que partout les comportements, les rapports imaginaires ou objectifs, des individus à leurs conditions réelles d’existence, sont en train de changer, de manière inexorable. Pour en contenir les effets, les dirigeants d’entreprises s’appuient sur l’église, instaurent de multiples coopérations dans le domaine social, culturel, sportif même.

C ‘est là le cœur de ce qu’on a appelé le Paternalisme. Ses effets positifs, ses côtés négatifs ont existé à saint Auban comme dans d’autres bassins industriels — ni plus, ni moins.
L’ANCIENNE CHAPELLE

Il existait une chapelle à Saint Auban située sous la gare, près de la Durance. Construite en début du moyen âge, elle tomba en ruines après la Révolution. Ses derniers vestiges furent rasés à la fin du XIXème siècle, durant la construction du canal de Manosque. Ces travaux devaient permettre de dater la présence humaine dans ce lieu isolé à l’époque Gallo-Romaine : objets, ossements et surtout une grande plaque de plomb gravée par les Romains , qui se trouve aujourd’hui au musée départemental de Digne.

Avant 1789, c’est le curé de Montfort, CHAUDONY, qui en est le prieur chapelain ; c’est lui, avec des experts chargés de « l’Encadastrement provisoire de la Dîme » provenant de cette chapelle, qui fixa après la Révolution, son allivrement à 45 livres.

En cherchant bien, vous trouverez encore aujourd’hui, un pan de mur couvert de ronces.

Curieusement c’est près des ruines de cette chapelle que les Franc Maçons des Hautes et Basses Alpes installèrent leur Loge ; dans une annexe de la maison ROUBAUD. La Compagnie devait acheter l’ensemble des propriétés ROUBAUD en 1916. A l’occasion du déménagement confié à messieurs LAMBOURDE et MASSACAN, plusieurs personnes ont pu contempler « les colonnes du Temple » et un stock « d’épées flamboyantes rouillées jusqu’à la garde ».

LE PROJET MEURS
C’est Philippe ISSAURAT (né à Grasse en 1879, décédé à Salindres le 25 décembre 1930) qui s’occupa, aux intérêts d’Adolphe MEURS puis de monsieur CAREG, d’acheter les terrains nécessaires à l’agrandissement du canal de Manosque, de 1907 à 1914. Dans cette période il procéda également à l’acquisition de terrains, de Peipin à Saint Auban, en vue de la construction d’un canal dérivé de la Durance et de l’installation d’une moyenne chute à Saint Auban. Ces projets restés en panne, il entre chez Alais et Camargue à son retour du front en septembre 1915 et s’acquitte de sa mission : acheter tous les champs du plateau sur lesquels la Cité est construite. Très vite, il convaincra le directeur de l’usine, monsieur DE GATINES d’accéder à la requête du Père GERMAIN de construire une chapelle « provisoire ». C’est monsieur BAVIERE, entrepreneur à Sainte Tulle qui construira cet édifice dont l’inauguration aura lieu dans la nuit de Noël 1916.
Naissance de La Cité

Premières rues tracées en 1916 : Jérôme Antoine BALARD, Henri MERLE et Adrien BADIN. Premières maisons moulées en avril 1916.
La rue Henri MERLE est la première rue commerçante, et le premier commerce est la boulangerie QUEYREL. Lucien QUEYREL est au front et son épouse le supplée, avec sa sœur Léa VERNET ; qui sera bientôt madame BERTIN, mère du premier pâtissier de Saint Auban : Denis BERTIN, dont le fils, exilé aujourd’hui à Montpellier est un des meilleurs artisans de l’hexagone. Un commis Jules COURBON est aux fourneaux avec deux prisonniers allemands. A l’arrière de la boulangerie, une escouade d’annamites construisent la chapelle dans laquelle sera célébrée la Messe de Minuit ; dans un décor incroyable : un autel posé sur deux tréteaux, au milieu des travaux—le tout éclairé par des lampes à acétylène. Cette chapelle provisoire durera 23 ans ; 820 enfants y seront baptisés. Le premier fut celui d’Henriette GUIGONNET, le 3 février 1918 ; puis celui de Joseph NOWOCIEN, le 30 juillet. Les nouveaux arrivants fréquentent plutôt la chapelle de Château-Arnoux, mais à partir de 1919, les mariages sont célébrés à Saint Auban. Le premier unira Pierre LAHORE et Claire JEANCEL, le 12 avril 1919. Le dernier, Paul RENOUX et Marcelle CAPEAU, le 19 août 1939.
Les quartiers de Clubières et de la Colline appartiennent aux familles SIAUD et PARET ; qui les cèderont peu à peu à la Compagnie puis à quelques particuliers. Le seul « bâtiment » en 1915 est un petit cabanon, situé à l’emplacement de l’actuel hôtel VILLIARD, où monsieur A. SIAUD stocke des coupons de draps et des tissus. Il ouvre de temps à autres pour vendre sa marchandise aux premiers habitants de Saint Auban.

galvez rené

il y a 1 an

Mi-octobre 1916, l’Inspecteur d’académie ordonne la fermeture de l’école mixte de Saint Auban. L’atelier Chlore est installé à moins de 100 mètres de cette classe qui existait depuis 1877 ; en un mois les enfants ont été évacués plusieurs fois ; certains sont malades. La situation est rocambolesque ! Dans le même bâtiment existe un Bar florissant grâce à l’arrivée de centaines d’ouvriers – lui aussi est régulièrement « gazé » à chaque fuite ; mais le propriétaire refuse de vendre en dépit d’offres exceptionnelles d’Alais et Camargue. Dieu merci, sa fille épousera un ingénieur de l’usine – ce qui facilitera la vente et la démolition de ce bâtiment. Pour l’école il y a urgence et on l’installe sur le Plateau, loin du Chlore, dans deux classes situées dans le bâtiment de La Poste actuelle. Elle recevra très vite quarante enfants.
Marius VILLIARD qui avait ouvert la première cantine, à l’entrée de l’usine, se voit offrir la gérance d’un bar—hôtel—restaurant (actuel hôtel de la cité). Devant l’hôtel, monsieur PAYAN élève poulains et chevaux nécessaires aux transports – notamment vers l’usine et à l’intérieur de l’entreprise.

Entre la rue A et la rue B — aujourd’hui d’Arsonval et Berthelot — sont construits rapidement huit maisons de cantonnement de douze chambres et deux bâtiments de vingt-cinq chambres pour célibataires. S’y entassent tous ceux qui vont travailler jour et nuit pour bâtir Saint Auban : prisonniers allemands- indochinois, annamites, kabyles et arabes ; la plupart sous statut militaire. La cohabitation n’est pas de tout repos, les bagarres y sont fréquentes et violentes.

Le commerce s’installe aussi rue Adrien BADIN avec l’épicerie GAUBERT où le café est torréfié.

Le 25 novembre 1917, c’est l’ouverture de la poste, mademoiselle PELLEGRIN porte les télégrammes … à bicyclette.

En 1918 les halles sont achevées, monsieur BARBIER boucher à Château-Arnoux s’installe, monsieur ALINCOURT lui succède.

Madame BONNET qui montait tous les jours le lait de la Vacherie à la Cité — au moyen d’une charrette tirée par un âne — s’installe également sous les hales. C’est madame FREDIANI qui assure les livraisons à domicile.

Face aux halles, les douches publiques et la pharmacie sont en construction. Au dessus de la pharmacie logent le docteur GUIGUES et monsieur GUILLERMET (et sa célèbre barbiche), premier pharmacien ; il y restera jusqu’en 1933.

A l’arrière, la salle des fêtes. A partir de 1919, ce lieu sert pour les bals, le cinéma muet, le théâtre, les conférences.

En juin 1918, trente cinq enfants font leur première communion, parmi eux, Jean RITTER et André LAJOUMARD.

La question de l’eau est vitale. L’usine installe un captage dans le Barasson qui alimente un réservoir dit « le filtre » — situé au sommet de l’avenue BALARD. Chacun vient y chercher l’eau avec cruches et bidons. En 1920 des bornes fontaines seront installées aux principaux carrefours.

Saint Auban n’est presque pas touché par la terrible épidémie de « grippe espagnole » qui fit tant de victimes de mai à décembre 1918.

Fin 1918 les prisonniers retournent en Allemagne, les mobilisés reviennent, des familles nombreuses s’installent et la Compagnie construit la rue H (aujourd’hui Edouard BRANLY).

En 1919 monsieur LAURANT, chef du magasin général, crée la première équipe de football. Son épouse ouvre une poissonnerie dans la rue Adrien BADIN.

Le 5 juillet monsieur BERATO, le docteur GUIGUES et monsieur BOIVINET, ingénieur à l’usine, font renaître la société de chasse « La Diane »,crée en 1911 puis dissoute en temps de guerre. Le docteur GUIGUES préside le Comité des Fêtes qui est animé par Tintin BAYLE. La fête locale est fixée au 15 août.

La Compagnie construit « l’hôtel des ingénieurs ».

Début 1920 de nombreuses familles espagnoles arrivent : PINTADO — GARCIA — MARTINEZ — NAVARRO — HERNANDEZ — MORENO… Ils se regroupent dans la rue H.

Les portugais suivent : VIDAL — MEIRELLES — RIBEIRO — PEIRERA — MACHADO puis les italiens : RAMPONI — BARBUTTI — EINAUDI — POMPILI — DEPETRI — PONTERO — CHITTARO — FINOCCHI…

La population française s’accroît également avec la venue des familles ABERLENC — PAYAN — REYNIER — CAUVIN — GONTARD — RAPHAËL — NIVA — AUDIBERT — PHILIPPE — SOUDAN qui rejoignent celles arrivées durant la guerre : CAPEAU — CARRAZ — MAUQUIER — BERNASCONI — MARTIN — LAJOUMARD — FREDIANI — GUIGONNET.

Le 15 août 1920, première fête de Saint Auban, monsieur FREDIANI, aidé par les jeunes de la cité décore de buis l’enceinte du bal. C’est un succès : les habitants des communes environnantes viennent nombreux, à pieds, à vélo, avec leur casse-croûte. La limonade coule à flot ; on l’apporte avec des brouettes. Des forains ont installé des manèges, dont le fameux cricri (le grand Virevire). Dans la nuit tous rentreront chez eux à la lumière des lampes à carbure.

En 1921, quatre villas pour ingénieurs sont terminées sur l’Alsace Lorraine, ainsi qu’une nouvelle rue : Emile BOYOUD.

Incroyable, la société de chasse est à nouveau dissoute.
En 1921, débute la construction des maisons en pierres pour directeurs et cadres, entre la rue BALARD et le chemin des crêtes.
Face à un début d’éclatement géographique du commerce, un projet voit le jour : urbaniser le terre plein au centre de la cité pour y regrouper de nombreuses activités : c’est la place Péchiney. Elle recevra bientôt :
Le cinéma a beaucoup de succès — monsieur Etienne projette les deux orphelines, les misérables, le Comte De Monte-Cristo, Barrabar, la Phocéenne et, comme le veut la tradition un pianiste (russe) qui vient de Manosque, joue durant toute la séance.

Entre la chapelle et la salle des fêtes, le bureau de la cité est installé. Les anciens se souviennent de messieurs BEDOT, VALENTIN, ILLY et de leur équipe de choc. Ils allaient partout poussant à quatre ou cinq leur charreton où s’entassaient les outils ou le mobilier que la Compagnie prêtait aux nouveaux arrivants.

En 1923, le chanoine GERMAIN crée l’école libre de filles — à l’emplacement actuel des bureaux de la mutuelle. L’enseignement sera assuré, en civil, par les religieuses de la Sainte Enfance de Digne. Les premières institutrices furent mesdemoiselles BERAUD — BONDIL — BARBE — COMBE et BAYEUX. Cette école déménagera en 1938 dans des locaux spécialement aménagés plus modernes — c’est aujourd’hui l’école publique Henri WALLON. L’enseignement privé ayant cessé.
Les locaux à usage commercial de la place Péchiney sont inaugurés en 1924. Monsieur TESSIER y transfère la coopérative. Messieurs FENU, TELLINI, FRANÇOIS et PONS lui succèderont jusqu’aux années 1980. A côté, madame HUGLA tient le débit de tabac ; la modeste Philomène MICHEL rejoint la place, comme sa sœur Reine, coiffeuse. En 1926, monsieur ROUSSET crée le salon pour hommes ; il sera remplacé par CHASTILLON Père et fils de 1926 à 1980. Monsieur PAUL de Volonne ouvre la boucherie, qui sera tenue ensuite, durant 38 ans, par Gaston QUEYREL. A.F.C. achète les terrains de Clubières 14000F pour sept hectares.

Le flux des migrations est intarissable. Entre 1924 et 1926 les polonais s’installent dans la rue « H » : KACALA — KRUZINSKY — KILIAN — VALOCH — KOUVALENSKI — INTRISS… Les russes arrivent également : POBEDINSKI — SPIOUNG — FRANDISKATOFF — DOVBROVOLSKY — KORINSKY — TRUSIKOFF — AMELTCHENKO…

Toutes ces communautés ont leurs traditions, leurs rites, leurs fêtes ; ainsi les russes chantent et dansent pour la Saint Nicolas. Ils feront cuire leurs gâteaux dans le four de monsieur QUEYREL.

Un polonais troglodyte ! : Fuyant le confort — tout relatif — offert par les bâtiments pour célibataires, un immigré polonais choisit de s’installer dans une grotte du vallon du Barasson. Eugène SZAJOWSKI finira tout de même par accepter la « civilisation ». Il s’éteindra en août 1964.

En 1926, l’hôpital est construit, il est inauguré en juin — seize lits, un dispensaire, le cabinet du docteur GUIGUES et deux religieuses : sœur SAINT-PIERRE et sœur Marie URSULE. Quelques italiens descendent de Riopérou, notamment les Di Giovanni. La première infirmière est mademoiselle FAVIER remplacée en 1937 par mademoiselle AUBERT. La maternité n’ouvrira qu’en 1940 ; madame NEYRET sage femme accouche à domicile. Elle sera remplacée en 1932 par une jeune sage femme mademoiselle Yvonne CROZET : c’est madame DUVIERE qui a mis au monde des milliers de saint aubannais (et jarlandins) de 1932 à 1970.

Cette même année 1925 : ouverture de l’école privée de garçons, face à la coopérative. Trois classes ; le directeur est monsieur BLIEUX, les enseignants sont salariés de la Compagnie. Cette école fermera en 1982. Le bâtiment abrite aujourd’hui le centre de formation ATOFINA.

C’est aussi l’année de l’arrivée à la cité de monsieur SPERINDEO ; épicier ambulant qui vient de Château-Arnoux avec sa charrette tirée par un âne. En 1931 ce personnage inoubliable, avec sa casquette et ses énormes moustaches, installe une épicerie italienne, en bois, à l’emplacement actuel du casino — entre le pressing et la M.J.C. Plus tard cette épicerie deviendra une cantine qui fonctionnera jusqu’en 1963. C ‘est le père de Mario et le grand-père de Stella GRESSANI.

Parmi ces hommes, venus de toute l’Europe, beaucoup sont musiciens. Monsieur SOTY devient le chef de musique de l’harmonie de Saint Auban. Le magnifique étendard de cet ensemble orne encore aujourd’hui le bureau du secrétaire général, à la mairie. Elle se produit en concert au « kiosque » du terre plein qui deviendra la place Péchiney — quatre à cinq fois par an ; elle est présente pour toutes les cérémonies religieuses. Elle anime la fête de Saint Auban, fixée à l’origine le 15 août mais déplacée définitivement au premier dimanche qui suit le 14 juillet. Il pleuvait trop souvent pour l’assomption, à cette époque.

On ne s’étonnera pas qu’une deuxième fête — celle des musiciens — la saine Cécile, le 22 novembre, ait donné lien à une soirée de chants et de musique — terminée par un bal à la salle des fêtes.

1926 restera comme l’année d’un drame qui marqué les esprits dans toute la région. L’explosion de deux réservoirs de chlore liquéfié va faire vingt-deux morts ; des dizaines de gazés survivront.

Le 13 décembre 1926, l’explosion du réservoir de chlore liquide a secoué la cité de Saint Auban, la population toute entière se précipite sur la crête qui surplombe le lieu de l’accident. Les hommes dévalent la pente pour participer aux opérations. D’un seul coup d’œil à la taille du nuage verdâtre, tous savent ce qu’ils vont trouver en bas.

Les secours sont dirigés par monsieur REYNAUD, directeur, et ses ingénieurs : CHAMPAGNE et GRABINSKI. Les blessés et asphyxiés sont sortis de la zone et « portés à bras ». Une seule camionnette fait alors fonction d’ambulance, mais des camions arrivent en renfort des localités les plus proches. Très vite une centaine d’hommes arrivent à l’hôpital où le docteur GUIGUES aidés par deux médecins du carrefour, ses trois religieuses et l’abbé GERMAIN, met tout en œuvre pour sauver un maximum d’ouvriers. Il y en a partout, dans les couloirs, dans les jardins de l’hôpital. Les morts sont transportés dans la salle des fêtes, transformée en chapelle ardente. On amène tout le lait qu’on peut trouver. Les anciens se souviennent que les intoxiqués au chlore étaient traités par des pastilles d’éther, du lait et des ventouses scarifiées. Toute la population est massée devant l’hôpital ; les pleurs se mêlent aux prières. On voudrait « savoir » …

Des secours arrivent également des Mées, de Sisteron, de Digne et de Manosque.

Le 15, les obsèques sont impressionnantes. Tous les cercueils sont alignés dans la cour de la salle des fêtes. Toutes les autorités civiles et religieuses sont présentes ; autour du Préfet, des maires et de l’évêque, un pope, un pasteur, un rabbin … Les corps sont chargés sur des camions et le cortège s’étire sur trois kilomètres, jusqu’au cimetière Saint Pierre. La Compagnie a fait construire un caveau pour les victimes qui n’avaient pas de famille dans la région.

Vingt-deux corps sont inhumés ce 15 décembre.

Dans les jours qui suivent, beaucoup vont quitter l’usine et Saint Auban se vide. Au premier rang de cet exode massif, la forte communauté des russes blancs — survivants réfugiés des armées WRANGEL et DENIKINE — quitte le pays et reprend le chemin de l’exil. Dix familles seulement resteront.

La tradition orale a conservé et transmis jusqu’à nos jours, le souvenir de ce drame. Désormais, ceux qui sont restés, avec ceux qui vont les rejoindre, ont une mémoire commune ; une conscience collective vient de naître. Le 13 décembre 1926 est un des éléments fondateurs de l’identité saint aubannaise.

13 décembre 1926 — 11h55 :
soudain le drame…

C’était un magnifique lundi de décembre : « on se serait cru au printemps ». Face au Chlore 1, de l’autre côté de la tranchée, au sud-est de la plate-forme qui abritera plus tard « le PER », on achève la construction du Chlore 2 (à Diaphragme). Entre le chantier et la voie ferrée qui passe à l’arrière des grands bureaux, se trouvent les quatre groupes de compression qui alimentent quatre stockages de dix tonnes de chlore liquide. Avant stockage, le chlore liquide passe par une bouteille séparatrice à flotteur, dont la fonction est d’évacuer vers « la javel » ou le chlorure de chaux, les incondensables : chlore non liquéfié, gaz carbonique, air et surtout l’hydrogène. On sait que le risque d’explosion du mélange chlore—hydrogène augmente avec le pourcentage d’hydrogène.

Dans la nuit, le flotteur de la bouteille séparatrice s’est coincé, en position ouverte du pointeau, et le mélange gazeux, au lieu de rejoindre la javel, s’est comprimé dans l’atmosphère supérieure des réservoirs 1 et 2 qui communiquent par leur tubulure de base. Personne ne s’en est rendu compte.

Le lundi 13 au matin, le contremaître décèle la défaillance de la bouteille séparatrice, procède à son remplacement, arrête cette ligne de compression et passe la production sur le réservoir 4 ; le numéro 3 est en réparation. Il faut alors dégazer les réservoirs 1 et 2. L’opération sur le numéro 1 se passe sans incident, mais la vanne de dégazage du numéro 2 refuse de s’ouvrir. Après plusieurs tentatives infructueuses, l’ouvrier chauffe à la lampe à souder le chapeau de la vanne. C’était l’usage en pareil cas. La vanne s’ouvre mais une violente explosion se produit alors. Le réservoir 2 est éventré, un éclat de 120 kilos tombe à 100 mètres sur la cabine du transformateur électrique et coupe le courant. Le contenu du réservoir arrose tout l’atelier et se vaporise rapidement. Le robinet à la base du réservoir 1 a été arraché par l’explosion et 10 tonnes de plus s’écoulent, envahissent les caniveaux et s’évaporent plus lentement. Poussé par le vent, l’énorme nuage vert glisse jusqu’au lit de la Durance. Les riverains et les communes proches ne seront pas touchés.

LE BILAN
Malgré l’intervention rapide des secours, il est dramatique : vingt-trois morts et une centaine de gazés qui seront secourus sur place (pastilles d’éther, et absorption de lait qui arrive rapidement de la maison du laitier, toute proche).

Tous les agents arrosés par le chlore liquide sont morts sur place.

Parmi les gazés qui ont succombé dans la journée, la majorité était constituée d’ouvriers d’entretien, qui ne savaient pas utiliser leurs masques et sont partis en courant dans la nappe de chlore (le vent était de nord).

A l’exception de l’ouvrier qui avait chauffé la vanne, tous ses camarades de l’atelier chlore sont sortis vivants de l’accident. Ils ont fui contre le vent en tenant serré leur masque de gaze imprégnée de ricinoléate de sodium.

L’ingénieur Georges MELINE — 41 ans — qui se trouvait près des compresseurs au moment de l’explosion, réussit à sortir également de la nappe de gaz, avec tout son personnel – un ouvrier, sans doute assommé par l’explosion est resté à l’intérieur ; Georges Meline pénètre à nouveau dans l’atelier de liquéfaction, sans changer son masque, et en ressort en ramenant l’ouvrier blessé — qui a survécu. La dose de chlore absorbé est mortelle, Georges MELINE meurt durant son transport à l’hôpital, victime de son sens du Devoir. Deux jours plus tard il lui sera rendu un hommage vibrant à la Chambre des Députés. A cette occasion il sera regretté que les ouvriers ne bénéficient pas des mêmes protections que les soldats du front. Dans les semaines qui suivent l’usine recevra quelques masques « de guerre ».

Un tiers des victimes se trouvaient « au pointage » et n’étaient pas équipés de masques ; toutes les victimes de ce funeste jour se trouvaient à moins de cinquante mètres des réservoirs, au moment de l’explosion.

LES CONSEQUENCES 
La relation des obsèques se trouve dans la partie « Histoire de la cité ».
L’impact sur le moral des ouvriers de l’usine fut considérable. Plus de deux cents démissionnèrent ; sur cents russes, réfugiés des armées WRANGEL et DENIKINE, qui constituaient un noyau solide dans le personnel, dix seulement restèrent.

Après quelques modifications, et le temps de retrouver et de former de nouveaux ouvriers, l’atelier fut redémarré en février, sous étroite et constante surveillance.

Monsieur REYNAUD est directeur de l’usine ; il est assisté de messieurs GRABINSKI et CHAMPAGNE. C’est monsieur CROCHARD qui est muté de Gardanne et qui va assumer la délicate mission de redémarrer la production de chlore. Curieusement, son fils René CROCHARD, va naître à Saint Auban, dirigera lui aussi le chlore dans les années 50 - avant de poursuivre et de terminer sa carrière chez RHONE POULENC (directeur général adjoint). Lui aussi sera victime d’un très grave accident chimique du à l’acide fluorhydrique (à Salindres) – il y survivra par miracle

Florence

il y a 1 an

Un grand merci Monsieur René Galvez pour toutes ces explications historiques !
Florence

galvez rené

il y a 1 an

Depuis notre communication précédente, j'ai trouvé 2 camarades (un peu plus âgés que moi) qui ont très bien connu votre grand-père: il était à la fin des années "50" Chef du Bureau de Préparation du Travail (BPT). Il n'y a pas le moindre doute car, chaque fois que mon ami Jean Camille Gilly se rend au Cimetière, il reconnait sur la photo du caveau voisin, la photo de votre grand père.

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Webmaster à l’Agence de Développement des Alpes de Haute Provence, j’ai par ailleurs une passion pour les livres et l’écriture.

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Florence Bellon

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