Louise Grouès. Tout le ciel bleu - Tout le ciel noir (1868 - 1931). Biographie par Luce Van Torre est le troisième livre publié par les Autanes en 2014.
Une biographie d'une femme de lettres (Louise Grouès / Héra Mirtel) particulièrement dérangeante, par ses idées, par ses choix de vie, dans un contexte social (1900-1920) qui ne supportait pas les femmes affirmant leur indépendance, revendiquant leurs droits.
Une femme extrêmement contemporaine et pionnière dans ses prises de position. Une œuvre littéraire oubliée. Une vie intense jusqu'au drame final !
Courte biographie de Louise Grouès
Louise Grouès est une femme de lettres française dont la famille est originaire des Alpes de Haute-Provence, de Fouillouse (Barcelonnette). Elle nait le 24 octobre 1868 à Lyon où son père, marchand toilier s’est installé pour échapper à la misère de la Haute Ubaye.
Contrairement à ses cousins, il a choisi cette émigration intérieure plutôt que de partir au Mexique. À Lyon, son père fait faillite. À sa mort, son fils aîné Antoine choisit de partir vers l’Eldorado Mexicain. Après quelques dures années, il s’enrichit et fait venir sa mère et ses sœurs, Louise et Marie, en 1894.
Période mexicaine
Durant cette période mexicaine, Louise découvre la vie fortunée de ces « Barcelonnettes » qui ont réussi, découvre avec curiosité le Mexique (il en résultera plus tard un roman, Loupita). Elle épouse un Barcelonnette, Paul Jacques : un mariage imposé, malheureux. Une fille nait de cette union, Paule.
Retour en France
En 1900, elle revient en France pour donner naissance à une autre fille, Louise. Elle s’installe à Paris – laissant son mari repartir au Mexique- et met tout en œuvre pour être une femme de lettres reconnue. Elle se donne un pseudo – Héra Mirtel- et ne signera plus que sous ce nom. Enfin, elle s’intègre à des mouvements féministes en plein essor en ce début de siècle et ne cesse plus d’écrire.
Jusqu’en 1914, elle sera reconnue comme auteure de romans et de pièces de théâtre, poète, traductrice, articles de nombreux journaux et revues. Elle sera directrice d’un journal qu’elle créée avec ses amies féministes, L’Entente.
Elle écrira de nombreuses chroniques dans une revue, La Renaissance Contemporaine, dont son rédacteur en chef et amant était également un homme de lettres connu à son époque.
Décès du premier mari et remariage
En 1912-1913, confronté aux désordres mexicains et aux révolutions qui bouleversent le pays, son mari Paul Jacques revient en France. Il se suicide en mars 1914. À la fin de l’année, Héra Mirtel repart avec ses filles au Mexique pour régler la succession de son mari. Elle y rencontre un homme d’affaires, Georges Weissmann –Bessarabo, et l’épouse en décembre 1915. Ils reviennent à Paris, en 1916.
De 1917 à 1920, la vie parisienne est pour Héra Mirtel un vrai désastre. Bessarabo se révèle être un homme d’affaires véreux et un séducteur affiché. Les problèmes d’argent sont multiples. Les disputes et les violences dans le couple sont fréquentes.
Dans la nuit du 30 au 31 juillet, Louise Grouès assassine, avec l’aide de sa fille Paule, Georges Bessarabo. Le scandale est immense relayé par une presse déchainée.
Incarcération
Les deux femmes sont incarcérées, pendant l’instruction, durant deux ans, à la prison Saint-Lazare à Paris. Le procès va se dérouler en juin 1922. Paule est acquittée mais Louise Grouès est condamnée à vingt ans travaux forcés à la prison pour femmes de Rennes.
Abandonnée des siens (aucun Grouès ni Jacques au procès), elle meurt seule et malade au bout de dix ans d’enfermement, le 21 mars 1931. Elle est enterrée, dans l’anonymat, dans le cimetière du Mélézen, caveau familial de son premier mari.
Commentaire de l’auteure Luce Van Torre
Des choix courageux...
Au-delà du côté romanesque et dramatique de sa vie, de par ses choix courageux, ses engagements généreux, ses désirs de liberté, mais tout autant de par sa personnalité lourde de duplicité, de violence, de rancœur, de déni, Louise Grouès interpelle profondément.
À la lecture de ses interventions et de ses écrits, on ne peut être qu’admiratif devant son intelligence, sa lucidité, sa créativité intellectuelle pour faire reconnaitre la place de la femme dans la société, dans l’histoire même de l’humanité ; son droit à vivre pleinement et librement sa vie de femme, à se construire en fonction de ses compétences, de sa spécificité. Et sa parole se veut appel permanent, objectif, souvent critique, au réveil des femmes pour la prise en main, par elles-mêmes, de leur vie, de leur avenir. Elle aborde en toute lucidité, des problématiques de femmes qui revêtent encore à l’heure actuelle une dimension universelle et extrêmement contemporaines.
Et on se laisse si facilement entrainée par son bonheur de vivre, par l’intensité de ses passions, par son rayonnement qu’on en vient à la remercier d’exister et de porter si haut cette parole de femme si naturellement insoumise.
Et des actes incohérents...
Mais un cheminement à ses côtés, engendre également de profonds malaises, des refus, des incompréhensions. Se révèlent des choix de vie nettement en contradiction avec des valeurs qu’on croyait siennes ; alors se ternissent des facettes lumineuses de son être ; se rigidifient sa pensée, son intelligence, sa générosité naturelle. A l’intensité du vivre succède parfois la superficialité du paraitre.
Et le constat le plus terrible est celui de la violence : sous ses multiples aspects, elle traverse de part en part, la vie de Louise Grouès. Violence subie, ressentie, assumée, refoulée. Violence en retour, contre l’autre, contre soi. Intime conviction de l’échec. Disparition de soi.
Et reste, lancinante, au fur et à mesure que s’achève le drame, cette sensation désagréable de ne toujours pas comprendre comment cette histoire que l’on envisageait glorieuse, qui se voulait consacrée à l’Amour, à la Vie, a pu aboutir à un tel désastre, a pu glisser dans la plus sinistre des tragédies.
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